IMPRESSIONS - Sherlock, 1x01: A Study in Pink (Une étude en rose)

Publié le par Sullivan

Il faut bien dire la vérité, le simple nom de Steven Moffat, associé à Mark Gatiss dans la création de cette série, avait suffi à soulever notre intérêt pour cette nouvelle version télévisuelle du personnage de Sherlock Holmes (lire notre preview). A raison au vu du résultat.

On aime :

    - C’est vraiment Sherlock Holmes !

    sherlock003.jpgForcément, on a beaucoup mentionné au cours du lancement de la série ce qui constitue sa caractéristique première sur le papier, c’est-à-dire le fait qu’elle ramène les personnages d’Arthur Conan Doyle dans le Londres contemporain. Mais devant la série en elle-même, cet élément disparait de l’esprit dans les 10 premières minutes, tant il semble évident. Je suis loin de connaître en détail les œuvres de Doyle, mais j’ai de très agréables souvenirs de nouvelles mettant en scène Holmes et Watson – lues à l’époque du collège, ce qui illustre le fait que les récits d’origine étaient extrêmement dynamiques et ‘‘modernes’’. On retrouve ici parfaitement cet univers, ses caractéristiques, nombre d’éléments de ses histoires. Et loin d’être diminué par la transposition contemporaine, l’essence de Holmes n’en ressort que de façon plus tranchée.

    - Deux personnages qu’on a envie de suivre

    L’essence de l’œuvre de Doyle, ce sont évidemment ces personnages, Sherlock Holmes et John Watson, si forts et mémorables qu’ils sont devenus les plus portés à l’écran. Le scénario de Steven Moffat pour cet épisode joue magnifiquement bien des deux différents types d’intérêt qu’on leur porte. Watson est la porte d’entrée du téléspectateur, le personnage avec lequel une empathie primaire est facile – l’épisode s’ouvre d’ailleurs en nous montrant sa détresse personnelle, alors qu’il est obsédé par son récent passé de médecin militaire en Afghanistan. Holmes, de son coté, est parfois agaçant, mais exerce une fascination totale, du fait de son intelligence hors-norme et de sa personnalité étrange. Comme le font remarquer les deux co-auteurs, Sherlock est, à bien des égards, encore plus extraterrestre que le Docteur.
    Le mieux étant que les deux personnages ensemble fonctionnent terriblement bien: leur relation est formidablement drôle. Benedict Cumberbatch et Martin Freeman, respectivement Holmes et Watson, sont tout simplement parfaits !

    - Le rythme

    Une première version de ce premier épisode a été réalisée il y a 18 mois – le fameux pilote entièrement retourné qui a valu à la BBC des accusations populistes de gaspillage de la part de certains tabloïds. Celle-ci durait alors une heure. Je suis vraiment content que la série se soit vue reformatée en épisodes de 90 minutes : il y a beaucoup trop de bon matériel dans cet épisode pour en couper trente minutes, et une version beaucoup plus courte aurait sûrement beaucoup affecté la qualité de la relation entre Holmes et Watson en empêchant de s’y attarder.

On aime moins :

    - Une révélation un peu appuyée

    Pendant tout l’épisode, le script de Moffat enchaîne avec rapidité les déductions de Sherlock et fait rapidement progresser son intrigue. Un style enlevé qui participe grandement au succès de ce premier épisode. Mais au moment de la révélation principale sur l’identité du tueur, le temps s’arrête pour créer un moment très appuyé et pas nécessaire, si bien qu’on finit par devancer Holmes quelques instants – ce qui ne devrait surtout pas arriver, à moins que ce ne soit réellement le sujet de la scène ou d’un épisode.
    Reste qu’il est vrai que l’équilibre (expliquer trop ? Pas assez ? Le téléspectateur lambda suit-il ?) doit être particulièrement difficile à trouver et se calera sans doute de façon optimale si d’autres saisons suivent.

    - Un affrontement final un peu chiche en tension

    Le dernier acte de l’épisode, qui met en scène un affrontement très psychologique entre Holmes et le tueur, ne fonctionne pas tout à fait aussi bien qu’il le devrait. Non pas qu’il soit raté, mais il manque d’un peu de tension – principalement parce que je n’ai jamais eu l’impression que Sherlock lui-même se sentait vraiment en danger.
    Rien de bien grave cependant, surtout que les révélations sur le mobile du tueur et ce qu’il cache assurent l’intérêt de la scène.

 

sherlock_ep1-003.jpg

Wrong !
    Exemple des incrustations ingénieuses qui parsèment le récit. (Image BBC)

 

 

Zoom sur :

    - Les déductions de Sherlock

    Pour conclure, un mot sur une des grosses qualités de ce pilote : la réalisation spectaculairement moderne mais subtile et inspirée de Paul McGuigan. Ce qui commence par des cadres recherchés et des gimmicks intéressants et bien exécutés, tels que les textos s’affichant à l’écran (la séquence de la conférence de presse au début de l’épisode est une grosse réussite) [1].
    Bon révélateur de cette réalisation hyper-contemporaine, les séquences des déductions de Sherlock, où l’image nous permet d’entrer dans son esprit, que ce soit par l’incrustation de mots sur l’écran, qui mettent en évidence ses constatations et ses conclusions ou, de façon plus visuelle encore, dans la scène de la course poursuite avec le taxi. Voilà de la télé européenne qui, loin d’avoir quoi que ce soit envier aux séries américaines et à leur gros budgets, est même visuellement plutôt en avance, notamment en cela que ses marqueurs visuels sont réellement au service de l’univers de la série et de l’histoire et ne servent pas qu’à «faire joli».

Mention spéciale pour :

    - Mark Gatiss,
    qui chausse sa casquette d’acteur avec talent pour incarner une fausse piste d’autant plus intéressante qu’une fois dévoilée pour ce qu’elle est, elle reste cependant riche en possibilités de développement.

Le gros succès d’audience de «A Study in Pink» lors de sa diffusion sur BBC1 (7,5 millions de téléspectateurs et 30% de part de marché pour les audiences préliminaires ne tenant pas compte des visionnages différés) assure l’avenir de la série – la deuxième saison, à nouveau 3x90', est actuellement en cours de tournage.

[1] : Aussi bien les cadres que l’incrustation des sms rappellent le film de Xavier Dolan «J’ai tué ma mère», avec un traitement plus subtil, surtout pour les cadres. Difficile de dire si c’est une inspiration directe ou une coïncidence.

 

 

Sullivan Le Postec

Publication d'origine le 27 juillet 2010.

Publié dans Projections

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article