THE WALKING DEAD — 1.01: Days Gone Bye (pilote)

Publié le par Dominique

«The Walking Dead» a fait évènement en 2010. Sortie à Halloween et précédée d’une solide réputation, la série a redéfini le concept du terme « succès » dans la bouche des executives d’AMC, la chaîne de «Mad Men». Hélas, la critique, plutôt encline à aimer tout ce que la chaîne diffuse, fut assez mitigée. Aujourd’hui, la série est à l’honneur à Comic Con’ Paris.

 

«The Walking Dead», c’est d’abord un comicgirl-zombie-The-Walking-Dead-AMC-tv-show-image.jpg book, édité chez Image Comics depuis 2003, écrit par Robert Kirkman. Un succès énorme, du en partie au regain d’intérêt du public envers un genre tombé en désuétude.

 

En 2002, Danny Boyle sort «28 jours plus tard», revisitation complète du mythe, transformant la menace lourde du zombie marchant à deux à l’heures par le concept de «l’infecté», donc une personne ayant perdu toute humanité, enragé.

Chez Boyle le mort-vivant court, saute, présente un réel danger en solo. Comme tout revival de mode, les projets similaires se sont empilés, l’un d’entre-eux, télévisuel, on en a parlé dans ces pages: «Dead Set».

 

Décidée à surfer sur la mode, la télévision américaine lance son propre projet, sur la base d’un succès en librairie. Gale Ann Hurd, la plus geek des productrices, qui produisit des monuments tels que «Terminator», «Aliens»… est à la production. Franck Darabont, l’un des scénariste les plus respecté d’Hollywood, réalise et showrunne. Un projet qui ne souffre d’aucune fausse note dans son prémice. Sauf que… Gale Ann Hurd n’est pas une productrice de télévision par essence, et que le lien entre Franck Darabont et ce médium se limite au fait qu’il doit en posséder une chez lui.

 

Rick est un officier de police. Lors du transfert d’un prisionnier, Rick est pris dans une fusillade et tombe dans le coma. A son réveil, le monde n’est plus le même. Les zombies pullulent, les humains semblent avoir disparus. Rick s’échappe de l’hopital à la recherche de survivants et tombe sur Morgan Jones et son fils James.

 

Le pilote est superbe. Une merveille. Un scénario éminemment classique (et allégrement, dans ses premières minutes, prologue excepté, pompé sur «28 jours plus tard»), magnifiquement mis en image. Aucun doute, Darabont, s’il n’est pas un immense cinéaste, en est un appliqué, avec un réel sens de l’image et du rythme. Comme les autres productions AMC, un soin tout particulier est apporté à l’esthétique. Les zombies sont très bien faits, les décors de désolation retranscrivent à merveille l’état post-apocalyptique du monde.

 

La dynamique entre la famille Jones et Rick est très bonne. Déjà parce que les personnages sont bien interprétés, tout simplement, mais aussi parce que leur confrontation est bien écrite. Rick cherche sa femme et son fils, mû par l’illusion qu’ils sont toujours en vie. Il est dans le rêve. Morgan a perdu sa femme, devenue zombie et élève seul son fils. Il est dans le réel. L’opposition de ces deux modes de fonctionnement ne tombe que rarement dans le cliché, et donne lieu à des scènes bien senties.

Un moment à retenir du pilote ? Morgan Jones, assis à l’étage de la maison qu’il a investie, un fusil dans les mains, tuant tous les zombies qui s’approchent, mais, lorsqu’il voit sa femme parmi eux, reste figé, incapable de tuer l’image de sa femme.

 

Le pilote se permet même un cliffhanger malin et assez épique, ouvrant magnifiquement sur une saison de série. Tout était prêt pour que la série soit une totale réussite. C’est dire à quel point la déception fut grande au vu des épisodes suivants.

 

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Rick, en mauvaise posture

 

Intrigues mal équilibrées, personnages assez caricaturaux qui prennent souvent des décisions qui servent d'abord l’intrigue au détriment de la caractérisation, incohérences assez incroyables et au final une déception à la hauteur des attentes placées dans le show.

 

«The Walking Dead» saison 1 est loin de la réussite attendue. Certainement la faute à ce qui semble être une bonne idée au départ: prendre des pointures du cinéma pour faire de la télévision. Gale Ann Hurd a un CV qui parle pour elle dans le domaine du film de genre. Elle impose le respect instantanément, mais son expérience du travail télé est inexistante.

C’est encore plus flagrant pour ce qui est de Franck Darabont. Aussi respecté soit-il au cinéma, est-il pour autant de la matière qui fait un showrunner? Oui, il est capable d’écrire, de produire, de réaliser, donc sur le papier, il est parfait. Sauf que, jusqu’ici, il était à la tête de projets «courts» aux budgets conséquents, et il doit à présent composer avec un budget moins important et une histoire qui dure, et qu’il ne doit pas traiter comme un film morcelé.

 

Et en plus, il doit diriger une équipe de scénariste. Au vu de la saison 1, à ce niveau, c’est un ratage complet. L’équipe, pourtant bien conçue, a volé en éclat au terme de l’écriture de la première saison, chacun ayant décidé de travailler sur autre chose. La presse relayait en première version que Darabont avait viré tout le monde. Gale Ann Hurd a ensuite contredit la news en annonçant que ceux qui étaient partis l’avait fait de leur propre chef, pour mener des projets personnels. On a envie de dire peu importe, le résultat et le même. Soit Darabont a viré tout le monde et ça met en doute sa capacité à mener une salle d’écriture sans jouer au dictateur (position possible au cinéma, pas à la télé), soit les gens sont partis d’eux-mêmes et ça revient à la même conclusion.

 

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Franck Darabont: "Elle est pas bien, ma série ?"

 

Et dernièrement, pour ne rien arranger, Franck Darabont est venu se plaindre dans les journaux de la baisse de moyens financiers que connaît le monde de la télévision, pointant du doigt l’éventuelle coupe de budget de la série sur sa saison 2.

 

Franck Darabont prouve là encore qu’il n’est pas en phase avec le médium télé. Il ne semble pas vouloir comprendre qu’il est sur AMC, une chaîne du câble basique dont les revenus publicitaires ne sont pas équivalents à ceux d’ABC ou CBS, ou qui ne vit pas d’abonnements comme HBO et Showtime, et se base sur les seules audiences de la saison 1 de son show.

En faisant cela, il met une pression énorme sur la chaîne, afin qu’elle lui donne le maximum d’argent pour faire sa série (ça, c’est légitime), mais il le fait en déclarant qu’il ne faudra pas être surpris si la qualité de la série n’est pas à la hauteur en saison 2, à cause de ces coupes budgétaires (ça, c’est un peu plus douteux).  

 

«The Walking Dead», du moins pour l’instant, est un cas d’école qui prouve que l’insertion de gens de l’industrie du cinéma dans celle de la télévision n’est pas naturelle en soit, et que si elles partagent le point commun d’être un récit diffusé sur un écran, leurs ressorts, leur mécanique est très différente. Demandez à Terence Winter s’il est aisé de prendre la suite de Martin Scorcese et son pilote gargantuesque quand on a cinq fois moins d’argent sur «Boardwalk Empire».

 

«The Walking Dead» saison 2 arrivera un jour ou l’autre, avec un nombre d’épisode encore inconnu, qui en fait l’électron libre de la télévision moderne. Pour la qualité, on verra plus tard…

 

 

Dominique Montay

 

NDLR: Suite au podcast que nous venons d'enregistrer avec Romain Nigita, ce dernier nous a rappelé que Gale Ann Hurd et Franck Darabont avaient un passé dans le monde de la télévision. Hurd via "Alien Nation" en tant que productrice, Darabont en tant que scénariste des "Aventures du jeune Indiana Jones". Si cette info remet en perspective la légitimité de ces deux personnes, il explique encore moins que, connaissant cet univers, ils soient autant passés à côté du développement de leur saison 1.

 

NDLR2 : Suite à notre rencontre avec Gale Ann Hurd, nous avons appris, entre autre, que la saison 2 aura 13 épisodes. Pas de date de diffusion prévue pour l'instant.

Publié dans Projections

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