SMALLVILLE – Le début et la fin

Publié le par Sullivan

«Smallville» s’est terminée en mai dernier aux Etats-Unis après dix ans de b—Après dix ans de services. Pour lui rendre hommage, la Comic Con Paris proposait de revoir son Pilote et de découvrir en avant-première le double épisode final.

 

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«Smallville» est arrivée à l’antenne dans un autre monde, en octobre 2001. «Buffy the Vampire Slayer» et «Roswell» étaient encore à l’antenne sur la WB, l’ancêtre de la CW. Les deux co-créateurs Alfred Gough et Miles Millar s’en inspiraient clairement pour créer leur version de l’adolescence de Superman.

Hautement dérivatif, le concept pouvait susciter quelques craintes, que le Pilote avait plutôt dissipées. Mis en scène par David Nutter, il était luxueux dans sa mise en image: la pluie de météorite du prologue est impressionnante -- malgré un plan raté drôlissime dans lequel les parents de Lana regardent tranquillement une météorite leur tomber dessus.
Il y avait quelques bonnes idées, comme le collier de kryptonite qui transforme Clark Kent en nerd hyper-maladroit à chaque fois qu’il approche de Lana. Mais l’idée la plus forte est celle qui allait alimenter la série pendant plusieurs années: la relation entre Clark et Lex Luthor. On sait qu’il sera son futur pire ennemi, un génie du Mal. Pour l’heure, ils se rencontrent alors que Clark lui sauve la vie, faisant naître reconnaissance et curiosité bienveillante chez Lex. On assiste aussi aux débuts d’éléments récurrents qu’on allait bientôt trouver totalement insupportables, comme la scène finale sur fond de pop-rock insipide entre Clark et Lana.

Le casting était très inégal, alliant les excellents Allison Mack, John Glover et Michael Rosenbaum à Tom Welling, expressif comme une poutre, et Kristen Keuk, qui ne pourrait pas jouer la comédie si sa vie en dépendait.

Tournée à Vancouver, la série avait récupéré une bonne part de l’équipe technique de «X-Files». La première saison s’inscrivait dans l’héritage des épisodes à monstre de la semaine de celle-ci, en considérant que la pluie de kryptonite avait donné de nombreux super-pouvoirs aux habitants de «Smallville». La première version d’une série qui allait en connaître de multiples au fil de ses années d’existence.

Vu d’aujourd’hui, le Pilote est aussi une balade nostalgique à une époque où «Smallville» n’était pas intégralement filmée dans quatre ou cinq décors de studio, résultats de coupes de budget drastiques au prix desquelles elle a pu se maintenir en vie, malgré des audiences fortement déclinantes.

La fin de «Smallville» montre une série qui n’a plus rien à voir avec ce Pilote, ni avec Smallville elle-même. Clark a emménagé à Metropolis. Il travaille au Daily Planet avec sa partenaire Lois Lane. Il a une double identité : Clark Kent, le journaliste, et The Blur, le super-héros.

A ce stade, tout ce qu’il reste, c’est de voir Clark voler pour la première fois (le seul pouvoir qu’il n’a pas appris à maîtriser en dix ans) et assumer sa réelle identité de super-héros, Superman.

Mais le final s’attarde invraisemblablement longtemps sur des marivaudages d’intérêt limité (peut-être sauvés par la jolie scène de la porte entre les deux héros) et expédie l’enjeu principal de la saison, Darkseid, d’une façon qui prouve l’ampleur du désintérêt que les scénaristes lui porte.
Après une année entière de négociation, Michael Rosenbaum a accepté de reprendre le rôle de Lex Luthor abandonné trois ans plus tôt à la toute dernière minute. Les scénaristes incluent donc en dernière minute le maximum qui leur est possible dans le cadre de l’unique jour de tournage que Rosenbaum a pu libérer. Une scène entre Lex et Clark rappelle à quel point cette relation a élevé la série quelques années durant. Mais les scénaristes ont le culot incroyable d’effacer intégralement la mémoire de Lex. L’attrait principal des dix années de «Smallville», sa relation d’amitié contrariée devenue haine avec Clark est donc purement et simplement rayée d’un trait. Le révélateur de la manière dont les scénaristes ont toujours été prisonniers de la continuité établie de l’univers Superman, incapable de prendre de la distance et s’abaissant donc régulièrement à des solutions abracadabrantes, comme celles-ci ou celle trouvée pour éliminer leur première version de Jimmy Olsen, ou comme l’épilogue de ce final, dans lequel on découvre que Clark et Lois ont réussi à faire oublier à tout le monde qu’ils se connaissent très bien et ont faille se marier quelques années plus tôt.

Mais l’affront absolu vient quand, au générique final, le téléspectateur qui a enduré tout ça réalise qu’on ne lui a même pas donné un seul plan de Clark dans le costume de Superman. La série se contente de le montrer ouvrir sa chemise sur le S iconique, et de passer directement à une petite version en image de synthèse du personnage vu de très loin.
La vérité est qu’il n’y avait probablement pas assez d’argent pour créer un costume de Superman ou adapter celui du film de Singer à la taille de Tom Welling. La preuve absolue que «Smallville» a prolongé sa vie au prix non pas de compromis, mais de compromissions qui ne sont pas pardonnables.

 

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Bâtie sur une icône, et sur un potentiel narratif gigantesque, «Smallville» l’a parfois laissé filtrer au fil de ses 217 épisodes. Mais, le plus souvent, elle a principalement laissée voir le manque de talent de ses principaux architectes qui ont transformé Clark Kent en neuneu insupportable et impotent.

 

 

Sullivan Le Postec

Publié dans Projections

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